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Comme une bouteille à la mer
13 avril 2007

19/01/07. « Volver a empezar »

Aujourd’hui je ne te parlerai pas de mes états d’âme. Je préfère te conter une belle histoire.

Il s’agit d’un film dont j’avais entendu parler quand je vivais à Madrid, mais que je n’avais jamais vu là-bas. Il a obtenu plusieurs prix dont le plus important, l’Oscar au meilleur film étranger en 1983.

Son titre espagnol est Volver a empezar. Celui qu’on lui a donné en français, je l’ignore, mais je le traduirai par Recommencer. C’est la chanson de Cole Porter, Begin the Beguine, qui l’a inspiré.

J’ai une VHS de mes dernières vacances à Barcelone. Je l’avais achetée dans un grand magasin. Il y avait des quantités de DVD et très peu de VHS, et je n’avais qu’un lecteur magnétoscope incorporé à ma télévision à l’époque. Je cherchais un film espagnol. J’avais pensé à Talons aiguilles de Pedro Almódovar, mais je ne l’ai pas trouvé en cassette. Par contre j’ai aperçu ce film de José Luis Garcí qui m’aurait tant plu de voir. Je n’ai pas hésité une seconde, je l’ai pris. Quelques semaines plus tard, je l’ai introduit dans mon magnétoscope-téléviseur. Et je n’ai pas été déçue. Avec mon cœur d’artichaut, je n’ai pu éviter de verser ma petite larme…

Mais avant de continuer, j’aimerais te parler de l’acteur principal.

Dans les années 80, on passait à la télévision espagnole une série juvénile le dimanche après-midi. L’action se déroulait au sud de l’Espagne. C’était les aventures d’une bande de jeunes qui se réunissaient les étés dans une station balnéaire. Ils avaient deux amis adultes, une jeune femme peintre et un pêcheur à la retraite barbu et grisonnant. On l’appelait El Chanquete, le nom d’un poisson qui se mange frit en Andalousie. Je le trouvais sympathique et j’aimais bien le feuilleton. De retour en France en 86, j’ai vu avec plaisir qu’on diffusait chez nous Verano azul ou L'Eté bleu. Tu as peut-être eu l’occasion de le regarder avec tes enfants… J’ai très aimé l’acteur Antonio Ferrandis dans ce rôle de marin au grand cœur et ami des jeunes estivants. C’est d’ailleurs cette série qui l’a fait connaître au monde entier. Je sais qu’il est mort en l’an 2000, je l’ai vérifié sur Google. Ils partent tous eux aussi, ceux de ma culture espagnole…

J’ai donc été touchée par son excellente prestation dans Volver a empezar que je vais te raconter maintenant.

Antonio Miguel Albajara, soit Antonio Ferrandis, arrive à Gijón,  capitale des Asturies, pour un pèlerinage du souvenir, dans les années 80. Quarante ans ont passé depuis son départ. C’est l’automne, et il fait mauvais temps. Il vient de Stockholm où il a reçu le prix Nobel de littérature. Il s’agit donc d’un éminent écrivain. D’abord réfugié en France de la Guerre Civile espagnole, il a été pris par les SS et envoyé dans un Camp. Il en a réchappé et s’est offert un visa pour l’Amérique. C’est alors qu’il a commencé à écrire en pensant à sa fiancée qu’il avait abandonnée malgré lui à Gijón. Depuis il s’est naturalisé Américain. Sa vie est bien établie à San Francisco. Il enseigne les lettres dans une université californienne. Divorcé, il est père de deux grands enfants.

En cette année du Nobel, il descend dans un hôtel modeste de Gijón dont est très fier le réceptionniste directeur, un homme obséquieux et aux petits soins avec l’auteur depuis que le Roi Juan-Carlos lui a téléphoné pour le féliciter de son prix de littérature. C’est donc un personnage qu’il faut traiter avec déférence !

Antonio Miguel Albajara revisite le terrain de football du célèbre Sporting de Gijón où il s’entraînait et jouait quand il était jeune, et bien d’autres lieux de sa ville. Il finit par entrer dans une galerie d’Art tenue par Elena. Elle ne le reconnaît pas sur le coup, mais il lui cite une phrase qu'il lui avait dite un certain soir. Alors resurgissent les souvenirs.

Il raconte à son amie comment un copain l’avait poussé à l’inviter à danser, au cours de cette fameuse soirée, en pariant un duro (pièce de cinq pesetas) que ce dernier lui avait tendu. C’était un timide et il ne savait pas danser. Alors, le jeune Antonio a demandé à l’orchestre de jouer quelque chose de lent pour faciliter les choses. Ils ont choisi Begin the Beguine de Cole Porter. Puis Antonio achèterait le disque qu’il dédicacerait pour l’offrir à sa belle promise. Celle-ci lui avoue, ce jour des retrouvailles, que le duro c’est elle qui l’avait confié à son copain…

Plus tard, Antonio revoit un ami d’enfance qui est aujourd’hui médecin. Après un bref échange sur leurs existences, Antonio parle d’un Chilien qu’il a connu aux Etats-Unis. Celui-ci lui avait dit sa peine de ne pouvoir retourner dans son pays. Quelques temps après, il est mort sans avoir pu revoir les lieux et les gens qu’il regrettait tant. Et l’écrivain annonce au médecin qu’il est atteint d’une grave maladie dont on lui a pronostiqué l’issue pour dans six mois tout au plus. C’est pour cela qu’il est aux Asturies, touché par le vécu du Chilien, afin de resserrer les liens avec son passé et arranger sa vieille histoire d’amour avant de mourir.

Il cache la vérité sur son état de santé à Elena. Mais elle n’est pas dupe. Je crois qu’elle a fini par apprendre ce qu’il en était.

Ils ressortent ensemble, libres enfin de s’aimer.

Antonio reprend l’avion en douce, comme il était parti quarante ans plus tôt. Mais Elena est au courant et l’attend à l’aéroport de Gijón. Elle lui tend un paquet à n’ouvrir qu’une fois rentré chez lui à San Francisco. Emotions des derniers adieux devant l’appareil qui l’emportera à jamais vers son pays d’adoption !

Antonio Miguel Albajara redonne ses cours de littérature à l’université californienne. Et un jour, assis à sa table de jardin, il ouvre le paquet d’Elena. Parmi les photos de leur dernière rencontre et d’autres objets, il sort le disque de Cole Porter, Begin the Beguine. Sa dédicace est toujours en haut sur la vieille pochette, un peu effacée, et en bas il y a celle toute neuve de son premier et dernier amour…

J’ai retenu une phrase du personnage interprété si bien par Antonio Ferrandis, tout à l’heure en début d’après-midi, quand j’ai repassé la cassette. “En realidad, se envejece cuando no se ama”, “En vérité, on ne vieillit que lorsqu’on n’aime pas”. C’est peut-être vrai… Et c’est pour ne pas vieillir trop vite que je voudrais aimer encore, même s’il ne le faut pas dans mon état physique. Parmi les nombreuses manières d’aimer, il y en a bien une pour moi…

Et puis, j’aimerais tant partir, comme Antonio Miguel Albajara, en paix avec ma vie et mon passé.

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Commentaires
M
Je vous remercie, Sic. C'est retenu... Je vous ferai signe. C'est très gentil de me le proposer !<br /> <br /> Amitiés,<br /> Béa
S
très bien Béa.Je vais essayer de me le procurer.<br /> Sur la route de Madison, je l'ai.<br /> C'est une très belle histoire, je vous assure.<br /> Si vous me le demandez, je vous le ferez parvenir.<br /> amicalement Sic
M
J'ai encore corrigé ce matin... J'avoue mes lacunes, je n'ai pas vu le film avec Clint Eastwood ni lu le livre. Mais si j'ai l'occasion de le faire, je chercherais les points communs entre les deux histoires... Merci Sic pour votre commentaire. Si vous avez la possibilité de voir ce beau film espagnol, qui doit bien exister en français, je vous le recommande vivement.<br /> <br /> Amitiés,<br /> Béa
S
Une très belle écriture, une histoire touchante émouvante. J'imagine bien le décors, les paysages, j'ai plongé d'n façon incroyable dans cette histoire, ceci est peut-être liée à mon imagination très active. J'ai pris un grand plaisir à vous lire.<br /> Cette histoire me fait penser un peu au film de Clint Eastwood : "Sur la route de Madison" .<br /> Merci à vous de faire partager vos écrits.<br /> Amicalement Sic
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