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Comme une bouteille à la mer
13 janvier 2010

Mes dernières lectures

« Le rouge du péché » d’Elizabeth George, éditions Pocket. Un roman judicieusement écrit. L’auteur explique, à la fin, comment elle a dû apprendre par le menu détail tout ce qui concerne le milieu du surf qui occupe une large partie de ce roman policier qui se déroule en Cornouailles. Et cette région d’Angleterre, il n’est nul besoin de dire qu’Elizabeth George la connaît parfaitement, bien qu’originaire des Etats-Unis. Le lisant, j’ai eu encore plus de preuves qu’il faut attentivement étudier le sujet quand on se lance dans la conception d’une fiction. Si j’ai reçu une claque avec les mémoires de Jim Harrison dans « En marge », ce roman policier d’Elizabeth George m’en a soufflé une autre. Je prends note du travail à mettre en œuvre pour mes divers récits imaginaires.
L’histoire : le commissaire de police récurrent de l’auteur, Thomas Linley, retraité anticipé à cause du terrible décès de son épouse, trouve un cadavre sur une plage de Cornouailles au cours d’une excursion. Je n’en dirai pas davantage et vous invite à le lire. Très bon livre !

« La consolante » d’Ana Gavalda, éditions Le Dilettante. Jusqu’à présent, je n’avais lu de la jeune femme que ces deux best-sellers dont on a tiré des films : « Je l’aimais » et « Ensemble, c’est tout ». Je les avais très appréciés, mais déjà remarqué cette tendance à chambouler les règles strictes de l’écriture de l’auteur, comme l’excès des points de suspension. Cela ne me gênait pas, et même j’aimais bien ça dans les dialogues. Je m’en étais servi dans mon roman. Mais « La consolante »… quel curieux livre ! Une écriture volontairement moderne, proche du style qu’ont les internautes dans les forums de discussion, avec ces points d’interrogation ou d’exclamation successifs ou mélangés s’ils n’utilisent pas les smilies pour marquer leurs humeurs, et une langue qui fait penser aux télégrammes d’autrefois en supprimant le plus possible les pronoms personnels, même les chapitres commencent par des verbes conjugués au passé-simple sans le sujet. Et très peu de rappel du nom de la personne concernée. Cela m’a profondément navrée, agacée. L’histoire, avec cette écriture, est difficile à cerner. Trop de pages, d’images aussi, de flashbacks. C’est lourd… Mais la fin nous réconcilie avec le livre qu’on lit jusqu’au bout puisqu’il nous a coûté près de 25 euros. On y apprend pourquoi ce style « elliptique », pourquoi ce titre énigmatique. Et toujours ces liens affectifs qui se resserrent, cet amour qui noue les êtres entre eux et nous renoue avec nous-mêmes. Mais il aurait pu être plus respectueux envers ses lecteurs, moins affecté. Je trouve, pour ma part, ce style télégraphique à la limite agressif. En tout cas, cela m’apporte un principe d’écrivain, si on peut dire : l’écriture doit servir à une histoire et non l’histoire à un style. Ne pas chercher l’originalité avant tout. Ecrire conformément à l’entendement des potentiels lecteurs. C’est pour cela que je tends à préférer les auteurs étrangers qui se dévouent corps et âme à leur histoire, comme Elizabeth George ! Je trouve, pour ma part, plus de prétention chez les Français. Peut-être sont-ils plus tenus à l’exigence du renouveau, de l’originalité. Il ne faudrait pas, cependant, que cela aille au point de transgresser le récit, le rendre incompréhensible. J’imagine qu’on en fera un film. J’ai hâte de le voir à la télévision un jour, je comprendrai peut-être vraiment cette histoire qui m’a, je l’avoue, pas mal échappé.

J’ai aussi enfin lu, dans son intégralité, « Le cri du silence » de Zoubida Touarigt aux éditions Beaurepaire. J’en retiens une vive émotion au contact de cette écriture qui ne demande qu’à s’affirmer dans d’autres livres qui, j’espère, verront le jour. Car Zoubida Touarigt est un écrivain né, j’en suis convaincue. J’admire sa force de caractère qui la rendra autonome le plus possible, si ce n’est sa motricité complète au moins la parole, l’usage d’une main. Elle récupère avec une volonté presque surhumaine. Et c’est celle-ci qui l’a poussée à écrire ce livre avec sa bouche secondée par l’ingéniosité d’une ergothérapeute. Quel courage ! Rien que pour rendre grâce à cet effort, il faudrait lire ce livre. Mais il y a d’autres raisons. Il nous apprend, dans à peine une centaine de pages, l’abandon d’un handicapé par ses proches et amis, la solitude et l’isolement des patients résidents dans les centres de rééducation, la peine de la perte des moyens physiques, le mauvais comportement de certains soignants, mais aussi le dévouement d’autres au service des handicapés, médecins, kinésithérapeutes, orthophonistes, ergothérapeutes, animateurs… Cette vie doublement « carcérale » due au blocage du « locked-in-syndrom » et aux murs rouges de cet hôpital froid dans un pays au climat peu hospitalier toujours venteux, Zoubida Touarigt la brise vraiment par le « cri » de sa parole écrite. La simplicité de ses mots aide à voir clair cette situation, ce retournement de vie après un accident qui a tout bouleversé, tout anéanti, projets, vie professionnelle, toutes ces choses qu’on aimait faire et qui ne peuvent plus se reproduire jusqu’au plus rudimentaire geste de manger, de respirer normalement… Je l’ignorais quand je l’ai connue dans cet hôpital Maritime de Berck, mais Zoubida, qui a le même handicap que l’auteur de « Le Scaphandre et le papillon », Jean-Dominique Bauby, avait pratiqué sa profession. Elle était journaliste. J’ai aussi appris qu’une autre journaliste avait été atteinte du même « locked-in-syndrom » et hospitalisée dans le même hôpital à Berck. Une curieuse coïncidence, non ?... C’est un cri, une main tendue pour qu’on l’attrape et aide à briser le pénible carcan qui bâillonne l’intérieur intact et valide d’une femme handicapée fort intelligente et cultivée, qui demande à ne plus être traitée comme une inférieure, une inutile. Alors il me semble qu’on peut bien l’écouter et répondre à ses attentes en lisant ce livre. J’aimerais qu’on en parle dans la presse et les médias.

« Le roman d’un Spahi » de Pierre Loti. Un classique que je n’avais pas lu, bien que je connaisse l’auteur de « Pêcheur d’Islande » que j’ai lu lui. Et aussi, « Azihadé », « Rarahu –Le mariage de Loti », « Ramuntcho ». Après « La consolante » d’Ana Gavalda, j’avais envie de lire un livre classique pour changer… Toujours ce romantisme à fleur de peau, mais pas mièvre. Toujours ces descriptions raffinées, détaillées au point précis mais pas trop, propres aux voyages de l’auteur qui en a tant vu. Là, c’est l’Afrique vécu par un militaire, un Spahi d’origine Cévenole, qui regrette ses « vieux parents » et sa promise restés au pays, craint les noirs mais finit par les apprendre, et souffre dans ce pays chaud et sec, inhospitalier, mais finit par l’aimer. Et puis il rencontre une très jeune noire – toujours ces amours avec des mineures qui provoqueraient les foudres de notre société actuelle contre l’auteur, car les mœurs ont bien changé. Le Spahi ne l’épousera pas, mais vivra auprès d’elle et son tout jeune fils jusqu’à la bataille ultime. Je ne raconte pas la fin, bien que je croie que nombreux d’entre vous la connaissent. Elle est forte, cruelle et romantique, mais je me demande si cela n’aurait pu se passer ainsi en ces terres à l’époque. Et quel style pur et bien écrit ! Pas de pédanterie, juste l’amour sincère des choses et des sentiments, juste communiquer au monde la vie d’un soldat, ou celle d’un marin, si éloigné de ses racines et de ses proches et que nous ne savons pas comprendre d’où nous sommes… J’aime ces auteurs comme Pierre Loti, comme Antoine de Saint-Exupéry dont les livres nous révèlent l’humain, l’étranger et la nature. Qui écrit aujourd’hui ainsi ? Je ne sais trop. Disons que c’est la télévision qui nous le montre sous ses meilleurs aspects dans des documentaires magnifiques sur la chaîne du câble « Voyage » par exemple, ou via les péripéties fort sympathiques d’Antoine de Maximy avec ses caméras corporelles quand il cherche à dormir chez l’habitant… Je sais aussi que Pierre Loti étudiait profondément, comme Elizabeth George, les sujets de ses romans. Son journal devait l’accompagner partout où il allait, et je devine combien cela peut s’avérer utile à un écrivain !
Je lirai d’autres classiques délaissés…

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