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Comme une bouteille à la mer
19 septembre 2010

Le Livre de la Nature de Maurice Rollinat

Antonio Machado décrivit dans un poème deux  catégories de gens, les simples et disons les snobs. De ces derniers il disait quelque chose comme ça : « ils croient qu’ils savent parce qu’ils ne boivent pas le vin des tavernes ». Et des autres : «Où il y a du vin, ils boivent du vin, où il y a de l’eau, de l’eau fraîche ». Ma traduction est toute relative et personnelle, je m’en excuse. Mais cela se laisse comprendre, non ? Mieux vaut être du côté des gens simples, parce qu'ils sont proches de la nature, donc authentiques, que de celui des snobs si décriés, du reste, par Marcel Proust. Et dont parlait à sa façon, sous mots couverts, George Sand dans cette lettre à son poète protégé, Maurice Rollinat, qui figure en préface de son recueil de poèmes pour enfants, « Le livre de la Nature », dont je vous livre ces extraits (sic) :

« Il très bon, dès qu’ils savent parler, d’exercer leur mémoire, d’assurer leur prononciation, de les habituer aux idées et aux paroles qui ne sont pas de leur vocabulaire familier, de leur apprendre que la poésie existe et que c’est une expression au-dessus de l’expression habituelle. Tout le monde le sent plus ou moins, mais tout le monde le fait, tout le monde, ne fût-ce que pour l’amusement d’entendre des petites voix parler la langue des dieux, fait apprendre des vers aux enfants. Mais en-dehors des Fables de La Fontaine, quels vers leur donne-t-on ? […] Tout le siècle dernier est licencieux, ou plat. Le nôtre est faux ou forcé. Un recueil de vers pour enfants de six à douze ans, en ayant soin d’entremêler sans confondre les degrés. - Je m'explique Tous les enfants de six ans ne liraient pas les pièces destinées aux enfants de douze ans, et vice versa ; mais le poète ne mêlerait pas dans la même pièce ce qui convient aux plus jeunes et ce qui convient aux plus grands. De cette façon chaque degré d’intelligence trouverait son compte, et le livre serait une nourriture pour les années de développement.
Je dis qu’un tel livre aurait un succès populaire s’il était réussi. C’est très difficile, plus difficile que tout ce qu’on peut se proposer en littérature. […]
Depuis l’insecte jusqu’à l’éléphant, depuis le myosotis jusqu’au cèdre, le poète a le domaine de l’infini, et chaque jour il initie ; aussi je crois qu’il serait nécessaire de ne pas mettre la vérité des faits au service de la rime, de ne pas mêler les fleurs de toutes les saisons et de tous les pays, et de ne pas croire que les homards sont rouges avant d’être cuits. Les poètes, tous très descriptifs aujourd’hui, devraient savoir assez d’histoire naturelle pour ne pas commettre les bourdes dont ils sont criblés. Dans un recueil destiné à l’enfance, ce serait un tort grave que de n’être pas consciencieux. »

Ce livre je l’ai lu, et je peux assurer que l’auteur a suivi scrupuleusement les bons conseils de George Sand. Du reste, y figure un poème, « L’écrevisse », dans lequel j’ai relevé l’allusion du homard mentionnée par George Sand. Il y précise bien la couleur noire avant cuisson… Ce livre est remarquable en tous points, dusse-t-il décevoir des poètes...

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Commentaires
M
Merci Eric. C'est une idée de lecture que je retiens.<br /> <br /> Bien à vous,<br /> Béa
E
Une présentation qui donne envie d'aller plus loin. Dans le même genre, il y a les "Histoires naturelles" de Jules Renart. <br /> Cordialement,<br /> E.
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