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Comme une bouteille à la mer
12 août 2011

Soliloques

 

Dans le fond, tu es, à travers ces mots ami perdu la représentation virtuelle de toutes mes connaissances disparues sans doute à jamais, de toutes celles qui jalonnent nos vies, nous touchent de leurs âmes, se répandent dans les nôtres pour un jour s'en aller on ne sait où, ou meurent nous laissant dans l'ignorance du fait... Si encore j'avais le doute de te reparler un jour en e-mail, en courrier classique, face à face pour de vrai ou au téléphone, j'attendrai patiemment que cela arrive et arrêterai mon monologue devenu inutile. Mais ce ne sera pas ainsi, n'est-ce pas ?
         
 Les soliloques, c'est quelque chose que je pratique au quotidien, peut-être plus que n'importe qui, et me fait passer beaucoup de temps (mais le temps, j'en ai à ne savoir qu'en faire !). Je les exerce un petit peu comme mon poète préféré, mais sans son talent philosophique et poétique. Ils consument mon esprit jusqu'à ce que j'éteigne leur feu avec le clavier de mon ordinateur.

 Si je t'écris, c'est pour soulager ce soliloque qui m'étreint l'esprit depuis la décision mutuelle de ne plus communiquer entre nous, et qui m'a poussée à ce premier roman que je regrette à présent, du moins pour tout ce qui a trait à notre amitié si malmenée et incomprise. Je sais combien c'était indécent, mais il fallait que je me soigne, non ? Que je réalise...

 Je les aime, mes soliloques, car avec eux je suis libre. Pas de réponse de l’interlocuteur, donc pas de critiques, de vexations, de conseils ou de consolations dont je n'ai cure. Je ne souhaite que m'exprimer sans réclamer la main de qui que ce soit, juste des écoutes muettes qui me ressemblent peut-être, en espérant ne pas être trop éloignée de la réalité.

Ils sont mon soutien et répondent à mon grand désir de comprendre cette vie que je dois traverser jusqu’à son terme. 

 

Tengo a mis amigos
            en mi soledad;
           cuando estoy con ellos
          ¡qué lejos están![1]
 

 

Antonio Machado, ce poète espagnol que j’aime tant, avait raison. J'ai une foule de connaissances en moi avec qui j'aime partager l'existence, mais quand elles sont près de moi, je ne sais leur adresser la parole. Mes mots sonnent faux ou sont maladroits, aussi dignes de ma timidité que les soliloques du philosophe andalou. Toutes mes questions s'envolent rien que par leur présence et leur conversation, sans doute celles qu'ils avaient en tête avant aussi... On oublie tant de choses à dire à ses amis. Quand ils partent, on s'en rend compte, comme ces achats qu'on oublie quand on fait les courses sans liste et dont on se rappelle une fois rentré à la maison (comme on s'en veut alors !). Les soliloques contribuent à constamment former la parole et donc l’équilibre intellectuel. Ce sont les fruits de la pensée.

 Alors, mon ami, ne m'en veux pas. Je ne te réclame pas de réponse. Je sais que pour moi tu ne dois plus exister. Mais pourquoi faudrait-il que j'efface ta présence en moi ? Tu es pour moi, dans l'écriture, ce confident que je n'ai pas ni n'aurai plus sans doute dans la vie, et qu'on remplace par un journal intime. Tu as ici ce rôle, si on peut le dire ainsi. Tu es mon journal d'âme et d'amitié, ne t'en déplaise. Dans la mesure où je ne révèlerai jamais ta véritable identité, en quoi cela pourrait-il te nuire si je publie le fond de ma pensée et que tu y es présent ?

Tu as dû sans doute m'oublier complètement. Il n'est pas improbable que tu aies perdu toutes mes coordonnées. Moi, je sais toujours où tu vis, comment tu t'appelles, même je me souviens de ton numéro de téléphone que jamais plus je n'oserai utiliser. Je te cherche parfois sur Google et te retrouve, mais Internet a ceci de bien, il nous cache. Tu ne me vois pas te regarder, c'est génial (peut-être le fais-tu de moi…) ! Si je lisais un de tes blogs, jamais je ne commenterais tes paroles, pas en me nommant et sous ce pseudonyme que tu as connu, celui de ma poésie si triste ! j’irais jusqu’à te vouvoyer… Et puis pourquoi le ferais-je ? Je ne veux plus te donner de raisons de me fuir encore, ou te faire abandonner tes sites personnels. Chacun vit sa vie d'internaute de son côté, et c'est très bien ainsi. Ne changeons rien ! Tu sais, j’ai mal encore de me dire que c’est moi qui t’ai fait abandonner ta plume. Tu as dû faire le choix entre tes proches et ta popularité, un de tes poèmes l’attestait. Alors je n’étais pas seule en cause peut-être. Et puis si tu as des blogs, c’est que tu n’as rien abandonné…   

 



[1] « J’ai mes amis dans ma solitude ; quand je suis avec eux, comme ils sont loin ! », Antonio Machado, Poesías Completas.

 

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