Il y a trente ans, Franco mourait…
Il y a trente ans, Franco mourait.
Lente agonie, trop !
On se tardait de voir l’avenir.
19 mois déjà à Madrid.
Je me débrouillais déjà bien en espagnol,
suivais l’actualité…
Et j’ai observé les longues files de visiteurs
devant la dépouille du dictateur à la télévision.
Certains fidèles pleuraient, certes,
mais on se demandait si d’autres n’y allaient pas
pour vérifier qu’il était bien mort.
Enfin on pourrait parler librement dans les lieux publics.
Enfin on ne pourrait plus craindre l’espionnage
des gardiens d’immeubles
ou des chauffeurs de taxi.
Et puis…
Viendrait ce Roi promis,
ce fils spirituel du Généralissime.
Oui, quel bonheur qu’il n’ait suivi
les enseignements du vieillard !
Et Adolfo Suárez qui,
bien qu’ayant été dans les jeunesses franquistes,
instaura à nouveau
la Démocratie
durablement.
Temps de transition.
Temps de ma jeunesse.
Découverte d’un neuf esprit libre.
Culture pas encore acquise en France, mais si là-bas.
Machado, Quevedo, Pío Baroja, Unamuno, García Lorca…
Et aussi Félix Rodríguez de la Fuente,
ce médecin naturaliste
qui fit aimer aux Espagnols sur le petit écran
la faune ibérique,
et découvrir les grandes étendues d’Amériques,
et qui mourut dans l’exercice de ses fonctions
suivant une course de traîneaux
dans le Grand Nord canadien.
Accident tragique d’avion.
J’aimais bien ses émissions…
Aussi cet écrivain si populaire et bon vivant,
plus tard Nobel,
Camilo José Cela.
Exubérant, affable, humain personnage.
Sympa ceinture noire de judo également, si je me souviens bien…
L’acteur Fernando Fernán Gómez*, roux à l’époque, et sa compagne du moment E. C.,
que je rencontrais souvent de loin,
dans un restaurant madrilène, avec mes parents.
Après seulement j’ai su qui il était.
Des chanteurs, des acteurs, des revues Peoples.
Les premières que je lisais chez le coiffeur,
Semana, Hola (le leur bien avant le nôtre), Diez minutos...
Cette autre culture populaire et indispensable
pour rentrer dans le moule,
se faire accepter, effacer sa trace d’Etranger.
Et les peintres du Prado, et les architectes, les scientifiques aussi…
Mon Espagne riche de culture, et populaire, humaine
se réveillait en paix, ou presque…
Malgré les Autonomies régionales créées,
propres gouvernements, drapeaux, hymnes…,
les coups d’Etat se sont pointés deux fois,
mais calmés par la fermeté de Juan Carlos Ier,
et les Indépendantistes Basques
n’ont de cesse d’intenter aux jours des gens…
Mais l’Espagne vit sa vie avec volonté et courage
et elle est enfin Européenne.
Souvenir d’avant changement du Régime :
magazine féminin où se disait que l’Espagnole
travaillait moins que l’Européenne.
Je croyais pourtant l’Espagne en Europe…
Mais à présent, oui elle y est. Elle a rejoint sa place !
Années 75/86, celles de la Movida, d’Almodóvar, mes plus belles…
Depuis presque vingt ans que j’en suis revenue,
elles me collent à la peau encore.
Je l’aime pareil l’Espagne démocratique, l’Espagne d’Artistes !
Il y a trente ans, Franco mourait…
*Acteur de renom qui épousa en premières noces, il me semble bien, la chanteuse Argentine María Dolores Pradera, grande dame de la chanson sud-américaine longtemps accompagnée à la guitare par deux frères jumeaux.